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DRANCY LA MUETTE

ANGELINI C / HAENEL
39.00 €
Sur commande
Code EAN : 9782363980069
Editeur : PHOTOSYNTHESES
Date de parution : 05/04/2013
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DRANCY LA MUETTELa pensée n'est le plus souvent qu'une manière de s'accommoder de la mort des autres; tant que rien en elle ne s'ouvre au supplice, tant qu'elle ne devine aucun crime au coeur des discours, les mensonges continuent à être respectés, et l'Histoire à jouir de son impunité.

Ainsi l'existence de camps en France durant la Seconde Guerre mondiale relève-t-elle aujourd'hui d'un savoir qui semble étrangement suspendu. Les documents sont là, visibles; le tabou a été rompu; des livres existent - parmi eux Vichy et les Juifs, le livre pionnier de Michaël R. Marrus et Robert 0. Paxton, publié en 1981, ou le plus récent et très important La France des camps de Denis Peschanski (2002) -, des films aussi - par exemple Drancy avenir d'Arnaud des Pallières (1996); et pourtant ce savoir qui est le nôtre semble vide, comme s'il ne tirait pas à conséquence, comme si personne ne savait quoi faire de cet épisode honteux de l'histoire française, et qu'un nouveau refoulement, plus sournois que la censure qui l'a occulté jusqu'aux années quatre-vingt, en affectait aujourd'hui la perception.

Car en ne considérant les camps français qu'en rapport avec la Seconde Guerre mondiale, et plus particulièrement avec le régime de Vichy, on se trompe sur leur nature, on en limite la portée historique: l'existence même de ces camps met en question la politique menée tout au long du XXe siècle en France; peut-être même interrogent-ils ce qui s'agite, de manière ténébreuse, sous le nom de «République» - ils disent une vérité sur le rapport qu'entretient secrètement ce pays avec le crime.

Entre 1938 et 1946, il y a eu, en France, selon Denis Peschanski, près de deux cents camps, et au total, six cent mille personnes internées. La République française a d'abord consigné par décret (du 12 novembre 1938) les «indésirables étrangers» dans des «centres spécialisés», transformant ainsi des réfugiés en ennemis, et inscrivant dès l'origine l'invention du camp dans un rapport avec l'immigration: ce rapport dure toujours, comme en témoignent les «centres de rétention» où la politique de rafle du gouvernement français consigne actuellement les étrangers qui demandent la reconnaissance de leur statut de réfugié, et les rebaptise «étrangers en situation irrégulière», afin de les expulser.
En 1939, la France s'est mise également à enfermer les Espagnols et les volontaires des Brigades internationales chassés par le pouvoir franquiste; elle ne les a accueillis que pour les parquer dans des camps: ceux par exemple de Rivesaltes, de Gurs, de Saint-Cyprien ou d'Argelès.
Avec la déclaration de guerre, c'est au tour des «ressortissants des puissances ennemies» d'être capturés: se sont ainsi retrouvés absurdement piégés en France ceux et celles qui fuyaient les persécutions antisémites ou la répression politique en Allemagne et en Autriche. Comme le note avec sobriété Denis Peschanski: «Les récits sont nombreux à témoigner de l'absurdité d'une situation où les ennemis les plus farouches du nazisme sont internés parce que la guerre a été déclarée à Hitler.»
Avec l'instauration de l'État français de Vichy, en 1940, les communistes, les Tsiganes et les Juifs deviennent les principales victimes d'une politique d'exclusion qui se transforme en persécution. Lors de rafles organisées par la préfecture de police, les Juifs - en particulier les Juifs étrangers - sont capturés par la police française à la demande des autorités nazies. Avant de leur être livrés, ils sont concentrés dans des camps - comme ceux de Pithiviers, de Beaune-la-Rolande ou de Compiègne -, dont on sait qu'ils ont été une étape avant leur déportation vers Auschwitz, où la plupart furent exterminés.

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