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DAISY, LYCEENNES A FUKUSHIMA - TOME 1 - VOL01

MOMOCHI REIKO
6.95 €
Sur commande
Code EAN : 9782369740124
Editeur : AKATA
Date de parution : 28/05/2014
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DAISY, LYCEENNES A FUKUSHIMA - TOME 1 - VOL01

Revue de presse

Fumi est une lycéenne brillante aux études, si bien que plusieurs portes devraient s'ouvrir à elle quand elle devra faire son choix d'université. Moé, fille d'une famille aisée, est belle et a tout pour réussir. Ayako, dont les parents tiennent une modeste auberge, est une geekette qui s'assume et a plus d'un talent dans ce domaine. Quant à Mayu, dont le père cultive du riz depuis plus de 20 ans, elle rêve d'aller travailler à Tokyo, dans le magasin de ses rêves. Quatre lycéennes assez différentes et quelque part complémentaires, qu'une forte amitié lie, à tel point qu'elles ont monté ensemble un club de musique supervisé par la prof Nacchan, et où elles s'entraînent sous leur nom de groupe, Daisy.
Tout va bien pour elles, elles vivent leur quotidien dans une certaine insouciance... jusqu'au jour où tout bascule, car elles ont eu le malheur de vivre à Fukushima. Le séisme du 11 mars 2011 puis, surtout, la catastrophe de la centrale de Fukushima Daiichi quelques jours plus tard, balaient soudainement leur bonheur insouciant et leurs certitudes envers l'avenir. Alors que nombre de personnes ont disparu dans le tsunami, les 4 amies ont eu la chance de survivre, mais sont loin d'être sorties d'affaire pour autant. Un mois et demi après la catastrophe de la centrale, beaucoup de monde a encore peur de sortir. La radioactivité a contaminé les terres, les parents n'osent pas laisser leurs enfants jouer à l'extérieur, les déménagements loin de la région se multiplient en laissant derrière les souvenirs et des villages alentours déserts, et ceux qui restent portent des masques. Fumi, elle, a toujours peur de sortir dehors, mais à l'aube de sa dernière année lycéenne, elle sera bien obligée de retourner au lycée. Sur place, ses trois amies l'attendent, prêtes à la soutenir et à repartir ensemble sur un élan optimiste. Elles redonnent vie à leur groupe Daisy, veulent croire en l'avenir... à moins que la réalité ne les rattrape.

Cela fait maintenant plus de trois ans que les catastrophes du 11 mars 2011 et de Fukushima ont eu lieu, laissant un souvenir qui risque de s'atténuer au fil des années... à moins que des oeuvres ne viennent témoigner pour nous dire de ne pas oublier, de prendre conscience, et de chercher des solutions à un problème qui, quel que soit notre rapport à lui, nous concerne tous. Du côté du manga, quelques oeuvres ont déjà plus ou moins percé, mais le tabou entretenu par le gouvernement japonais n'est pas toujours facile à éviter. Un auteur comme Boichi a pris le problème en parallèle en tentant, dans H.E, de développer différentes idées pour remplacer le nucléaire, tandis que Tetsu Kariya, osant aborder le problème de front dans son manga Oishinbo, a été poussé à stopper temporairement sa série pas plus tard qu'en ce mois de mai 2014 (voir ce lien : http://fr.canoe.ca/hommes/culture/archives/2014/05/20140512-113954.html ), preuve que le tabou est toujours vivace trois ans plus tard. Mais c'est du côté du shôjo que l'on découvre ce qui est à ce jour le plus brillant témoignage manga traduit en français sur le sujet. Evitant la censure, Reiko Momochi brise la loi du silence en abordant le problème Fukushima de l'intérieur avec Daisy, série en deux tomes. Motivée par la lecture du roman "Pierrot" et par sa volonté d'honorer son défunt père originaire de la région de Fukushima, la mangaka, accompagnée de son rédacteur originaire de la ville-même, commença par recueillir à partir de l'été 2012 de nombreux témoignages des habitants, autant enfants que parents et enseignants. Si les personnages de Daisy sont inventés, leurs tourments sont donc on ne peut plus réels.

"Depuis 28 ans que je fais pousser du riz... je ne pensais pas qu'un jour... on me traiterait d'assassin.

Daisy nous plonge donc dans le quotidien de quatre adolescentes qui, à l'aube de leur vie d'adulte, ont vu leurs certitudes et leur insouciance balayées. Mais elles sont ensemble, toutes les quatre, ont le désir de repartir de l'avant... mais une vie normale est-elle encore possible pour elles ? Désormais, elles doivent constamment se confronter à des problèmes les replongeant dans la détresse. Même si le riz cultivé sur les terres de Fukushima passe les contrôles sans problèmes, la défiance est partout. Et en plus des habitants qui partent vivre ailleurs, les visites ne se font plus dans la région, au risque de faire disparaître les petits commerces comme les auberges. Il y a beau y avoir des signes de soutien de l'extérieur, il y a également autant de réactions virulentes et dédaigneuses, comme celle que connaîtra la famille de Mayu, ou la cruelle désillusion amoureuse de Moé. Ils ont beau vouloir simplement reprendre une vie normale, les jeunes filles et autres habitants de Fukushima sont constamment tourmentés, obligés de se demander si le gouvernement ne leur ment pas, si leur terre est réellement encore habitable, si le périmètre de sécurité autour de la centrale est vraiment fiable, si les dirigeants du pays leur viendront réellement en aide autrement que par le biais d'une aide financière quasiment symbolique... Nos héroïnes doivent faire face au regard des autres et aux préjugés sur leur contamination, elles doivent affronter tant bien que mal les épreuves mises sur leur chemin par la catastrophe mais aussi par leurs pairs, parfois hypocrites. Et cela a forcément un impact sur leur entourage, et sur elles-mêmes. Les tourments sont toujours plus profonds, les faillites menacent, les familles se déchirent parfois sans savoir quoi faire, les incertitudes sur les choix d'avenir se font plus fortes... Le désespoir a vite fait de revenir au galop, pouvant pousser aux extrémités les plus tragiques. Mais il faut soutenir ses proches, ses amis, sa famille, tant bien que mal, et ne pas laisser tomber. Plus d'une fois, Fumi, Mayu et les autres montreront à quel point elles peuvent être fortes et touchantes, en prenant parfois des décisions rudes mais justes.
Il reste néanmoins, à plusieurs reprises, l'espoir. L'espoir amené par des aides sincères, par une volonté de reconstruire et d'effacer le drame. Certains personnages comme le petit ami de Nacchan ou le courageux Tamaki sont là pour montrer que tout le monde n'en a pas rien à faire. Certains passages, comme la petite vengeance envers le petit ami de Moé, sont aussi là pour montrer que ces adolescents ont encore toute leur dignité et leur humanité. Et puis il y a cette amitié entre les quatre héroïnes, amitié qui, malgré les épreuves parfois très houleuses, perdure.

Simplement, Reiko Momochi, qui semble avoir parfaitement emmagasiné les nombreux témoignages, a pensé à tout, aborde son sujet sous toutes les coutures, présente autant les tourments que les signes d'espoir avec un talent admirable, tant ses personnages sonnent juste. Cerise sur le gâteau : un récit qui, grâce à cette richesse et à cette profonde plongée dans la psychologie des lycéennes, parvient à émouvoir en profondeur sans tomber dans le pathos.
Emballer le tout sous forme de shôjo n'était en plus pas forcément gagné, mais la mangaka y est joliment parvenue. L'introspection si chère au genre est présente, le style graphique sait capter l'essentiel, et l'on devine même de légers sentiments, notamment ceux, porteurs d'espoir, qui se créent doucement entre Fumi et Tamaki. le tout sans tomber dans les plus gros clichés du genre, ce qui rend la lecture abordable pour tout public.

Servie dans une jolie édition ponctuée d'une belle postface de 7 pages signée Karyn Nishimura-Poupée, Daisy - Lycéennes à Fukushima est une oeuvre choc, absolument essentielle, qui touche juste, prend aux tripes autant qu'elle soulève les consciences.

(Critique de www.manga-news.com)

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