EDWINA TOPS-ALEXANDER - L'ETOILE AUSTRALIENNE

Le destin est dans le pré

Six mois... je me donne six mois, et je verrai bien si je reste ou pas. Si je parviens à faire mon trou.

En regardant par le hublot ce jour-là, je suis grave. La lumière de l'aube a envahi la cabine et cogne sur mes yeux fatigués par une trop longue insomnie. Cette décision, je l'ai rêvée, longuement mûrie et préparée.

Maintenant, c'est réel, je pars en Europe. J'ai décidé de mon destin: je veux être une championne! Ma passion des chevaux va devenir mon métier. Je sens bien que dans cet avion qui vole vers l'Europe, je suis en train de donner une trajectoire à ma vie. Je suis partagée entre l'excitation de la nouveauté, l'ouverture des possibilités et l'inquiétude d'atterrir dans quelques heures à l'autre bout de la terre; moi, la petite australienne qui n'a presque jamais quitté son pays natal, je fixe les traînées de nuage violettes et roses pour essayer de stabiliser mes émotions.

Bien sûr, je sais que je prends un risque. J'ai tout lâché là-bas, tout soldé. J'ai vendu ma voiture pour financer le voyage, j'ai économisé pendant plus d'un an pour être certaine de pouvoir subsister le temps que je me suis accordé pour réussir. Heureusement mes parents m'ont soutenue dans mon projet, en finançant le transport de mon meilleur cheval «Mr Dundee» et m'ont souhaité bonne chance à l'aéroport de Sydney. Mon coach, Georges Sanna, m'a lui aussi encouragée à partir en Europe dans l'idée de pouvoir côtoyer et concourir sur le circuit des meilleurs cavaliers du monde. Il est conscient des limites de notre pays pour atteindre le très haut niveau. À vingt-quatre ans, le moment de tenter ma chance est arrivé. Je suis tenue de prouver que je suis assez bonne cavalière pour me hisser au côté des professionnels, de ceux qui remportent les compétitions internationales et atteignent les plus hautes marches des podiums.

Je pars seule, sans ma famille, et ça aussi, il faudra le surmonter, mais je suis assez forte et débrouillarde pour suivre mon chemin en solo. Là-bas, en Belgique où je vais poser ma valise, je ne connais pas grand monde si ce n'est des amis néo-zélandais chez lesquels je compte m'installer. Bien sûr, je serai moins entourée qu'en Australie mais ce n'est pas plus mal. Comme ça, je ne serai pas distraite, je pourrai me concentrer exclusivement sur mon travail.

Ceci dit, mes amis en Australie, j'ai dû me résigner à les voir de moins en moins car, pour être sincère, mon chemin était en train de différer du leur. Entre le début de mes études universitaires et mes entraînements, j'avais de moins en moins de temps. Les sorties nocturnes devenaient compliquées. J'ai pourtant cédé deux ou trois fois mais l'ai payé très cher! Faire la fête et se coucher tard n'est pas le meilleur atout pour une cavalière! Le temps était venu de faire des choix en fonction de mes priorités.

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