AU FIL DU RHIN-UN VOYAGE ENTRE CIEL ET TERRE

UN FLEUVE MULTIPLE ET CHATOYANT

Les grands fleuves grondent ou paressent en sauvages apprivoisés. Le plus international -en tracé et en statut - est le Rhin. Il a longtemps défié les endiguements, d ivisé son lit, déplacé ses méandres, malmené riverains et bateliers. En deux siècles, l'homme a reconfiguré l'avenue d'eau, sécurisant ses rives, fixant une formidable voie navigable, convertissant une inépuisable énergie en gigawatts. Ce livre accompagne le fleuve corrigé sur son parcours trinational, Suisse, Allemagne, France. Une trouée élargie entre Vosges et Forêt-Noire, jadis frontière et enjeu, aujourd'hui symbole d'union européenne.

Le récit débute à Bâle, plus rhénane des grandes villes, et même à mont, à Rheinfelden où le fleuve, déjà via energia, devient navigable. Bien des ponts passés, bien des éclusées lâchées entre Alsace et pays de Bade, il s'achève à Karlsruhe, les deux rives alors allemandes. Le parcours correspond presque à ce que les géographes dénomment Oberrhein, «Rhin supérieur»: un trajet majeur de la voie d'eau internationale depuis 1815, objet de multiples conventions touchant à la liberté de navigation, à l'intégration européenne, à l'écologie.

Jadis balisé de têtes de pont militaires, soumis aux volontés des princes, confisqué par l'Allemagne de 1871 à 1918, accaparé par la France victorieuse, plus équitablement dévolu avec la Convention franco-allemande de 1969, le Rhin de ce livre est multiple.

Celui des barrages, des écluses et des ports, du transport fluvial et des croisières, de l'électricité sans frontières (EDF et l'énergéticien En BW, étroitement partenaires), des Voies navigables de France et de leurs équivalents allemands et suisses, de la Commission du Rhin, instance modèle à Strasbourg.

Celui des saules blancs et des peupliers noirs, des oiseaux et des libellules, des eaux laissées ou remises en liberté, mystérieux courants sans débuts ni fins. Celui des polders, formidables artifices des ingénieurs oeuvrant pour que les crues les plus dangereuses s'apaisent en débordements pacifiques. Dans une nature retrouvée, renaissante, étrangement belle, dont les écologistes surveillent le fragile équilibre.

L'histoire du «Nil de l'Occident» (Lamartine) continue de s'écrire.
Le saumon, un symbole, amorce son retour. Des polémiques? C'est heureux.

J.-L. D.