menu

DISCOURS SUR LA LECTURE (1880-2000)

HEBRARD/CHARTIER
41.00 €
Sur commande
Code EAN : 9782213607351
Editeur : FAYARD
Date de parution : 06/09/2000
41.00 €
Sur commande
DISCOURS SUR LA LECTURE (1880-2000)Dans le même temps où l’on créait en France, en 1959, un ministère de la Culture, l’élite s’inquiétait de l’apparition d’une culture de masse. Elle découvrait, effarée, l’existence de cultures hétérogènes, porteuses de valeurs qui pouvaient être antagonistes au sein d’une même société, voire d’une même classe, d’un même groupe ou d’un même individu. Quoi, dans ces conditions, de la fonction sociale de la lecture ?
De Sartre à Barthes, revint comme un credo l’idée qu’il existait deux types de lecture, l’une intensive, l’autre extensive. La première prétendait relever d’une démarche quasi philosophique, tandis que la seconde se voyait rejetée, non sans mépris, dans l’ordre du romanesque. La question du lecteur, évidemment, ne se posait qu’à l’intérieur d’une configuration morale qui le dépouillait de toute pertinence quant à l’évaluation de son acte. Il y avait des bons et des mauvais lecteurs, il fallait éduquer les derniers... Il y aurait donc une pratique cultivée de la lecture qui serait la vraie, à laquelle s’opposerait une pratique populaire ? Faguet ouvrit tout de même une brèche dans ce moralisme de quatre sous, en affirmant qu’il n’y avait au fond que des livres, introduisant des modalités de lecture différentes.
Le livre justement, depuis les années 1960, est devenu une valeur consensuelle. Il ne l’a pourtant pas toujours été : au XIXe siècle par exemple, on pensait que le peuple lisait trop. Et de nos jours, déjà une infime minorité d’intellectuels essaient de penser les conséquences de l’abandon des valeurs d’une civilisation fondée sur le livre et la lecture (Sloterdijk). Non sans raison, ils montrent que la lecture lettrée n’est plus le paradigme de la culture. Ainsi, sa valorisation inconditionnelle, assortie d’une inquiétude sociale pour les non-lecteurs, n’est-elle un thème politique qu’à partir des années 1950. Qu’exprime donc la lecture dans nos sociétés ? A travers son «universalité», tente-t-elle de reformuler une sorte de religion d’après la religion ? La mort de Dieu aurait-elle impliqué l’assomption du livre ? Tout se passe en effet comme si les critères de la valeur littéraire, en se substituant aux critères de moralité, remplissaient la même fonction. Mais la lecture est-elle vraiment le lieu du lien social ?
Anne-Marie Chartier et Jean Hébrard n’ont pas répondu à ces questions. Ils ont fait mieux : ils en ont construit les fondements. Leur immense travail décrit ainsi une pratique qui peu à peu s’est inscrite dans la sphère privée, alors qu’elle relevait pour l’essentiel de phénomènes sociaux. Histoire politique, sociale, culturelle, ils nous éclairent sur les modèles qui se sont disputés ses enjeux. Trois, essentiellement : catholique, républicain et celui d’un corps voué à son «administration», les bibliothécaires. Au fil du temps, les parentés des deux premiers s’établissent clairement : la lecture relève de la formation morale, critique, intellectuelle de l’individu. Face à cela, les bibliothécaires mirent en place un discours «consumériste» et inventèrent l’idée de lecture comme trajectoire individuelle. C’est ce dernier qui paraît triompher dans nos sociétés, y compris dans le monde scolaire, où la lecture devient moyen et non fin.
Le livre introduit directement à une certaine idée de la société. Les humanités classiques, dont il constituait l’assise, maintenaient l’idéal d’un monde humain fictif construit sur l’idée d’une société unanime et centrée. A l’heure où nous découvrons qu’il pourrait exister une culture sans littérature, quels enjeux la lecture peut-elle représenter ? --Joël J.--

Commentaires (0)

forum
Soyez le premier à déposer un commentaire !
keyboard_arrow_down
expand_less