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LES ROUTES DE L'INDE

ELIADE MIRCEA
16.00 €
Sur commande
Code EAN : 9782851974532
Editeur : L'HERNE
Date de parution : 17/05/2013
16.00 €
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LES ROUTES DE L'INDELe domestique me réveille et me tire d'un rêve heureux qui durait depuis quelques heures... Je rêvais que nous étions ensemble, R... et moi, en amants...

Le rêve de cette nuit. Il a duré longtemps. R... se mariait, j'assistais à la messe, je leur présentais mes voeux, à elle et à son mari... Ensuite, j'ai rêvé que nous étions amis. Après le mariage, je les raccompagnais chez eux. Pire que la pauvreté, une terrible misère, de vieux parents impotents.
Le matin, dans mon bain, je méditais en souriant à d'éventuelles significations.

Je suis installé là depuis six jours seulement. Et je voudrais m'en aller plus loin, à Bénarès par exemple. À l'idée de me faire inscrire à l'université, j'étouffe. Encore suivre des cours, encore me laisser aller au gré des lectures, encore acheter des bouquins. Aujourd'hui, j'ai loué un bureau et une lampe à mettre dessus. Je dois avouer que c'était triste. Je me dis que je dois mener à son terme un dur labeur, etc., mais le désir de vagabonder me chagrine, m'humilie. Demain, peut-être, je commencerai à grignoter la grammaire sanskrite et le dictionnaire de Bhide que j'ai achetés avec D... Je reviendrai là-dessus une autre fois. Pour le moment, je reste dans ma chambre et je contemple en languissant un ciel qui commence à me lasser.

[J'ai dit que je ne transcrirais que les passages concernant des gens ou certains états d'âme. Je ne pense pas que les notes érudites ou les confessions d'un découvreur de textes puissent présenter quelque intérêt que ce soit. Et pourtant, le travail d'un jeune homme dans une bibliothèque - quel lyrisme tumultueux, quelles passions refrénées! J'avais commencé à travailler dans celle de D..., fameuse à juste titre. Pendant quelques jours, mon journal ne fait état que d'enthousiasmes liés à l'érudition. Je relis ces pages avec une certaine nostalgie. Rien sur mes conversations avec D..., rien sur les gens rencontrés chez lui. Je parle de moi une seule fois: «Je suis heureux quand je peux travailler, malheureux quand la fatigue m'assomme, la nuit. Ce journal ne m'intéresse guère en ce moment. Je ne le relis plus. Il y a tellement de travail...» En effet...]

Un photographe de Bombay - qui a sans doute lu l'entrefilet du Statesman me présentant comme un étudiant roumain venu ici pour étudier la philosophie indienne avec D... - me demande ma photo pour la reproduire dans je ne sais quel magazine. C'est amusant, et un peu ridicule.
[Et pourtant je m'empressai de me faire photographier. Pour m'éviter de dépenser une roupie, D... fit venir chez lui un photographe amateur, un de ses neveux je crois. Il eut beaucoup de mal, à cause de mes lunettes. Je dus finalement les retirer, mais la photo fut mauvaise quand même. J'en envoyai un cliché à l'adresse de Bombay que m'avait indiquée le photographe, mais je ne vis rien paraître. Quelqu'un souffrit plus que moi: Mme P..., la seule à avoir gardé le numéro du Statesman. Elle se sentait terriblement responsable de chacun de ses pensionnaires. Et ma présence à Ripon Street était, on le verra, un événement important à plus d'un égard.]

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