J'ai rencontré Andreï Vieru par l'exécuteur testamentaire de Cioran, il y a quelques années. Il m'a donné à lire ses textes littéraires qui m'ont immédiatement frappé par leur intelligence, leur style, leur singularité de ton, à la fois provocant, humoristique et lyrique. Andreï Vieru a avec son compatriote Cioran des points communs, une sorte de lyrisme contenu (quand il évoque la musique) et de froideur cinglante (quand il évoque les rapports des êtres humains, la vanité, le faux brio). Ses textes portent sur la littérature, la musique, la peinture, les mathématiques, la politique. Ce sont des portraits et, en filigrane, un autoportrait. La figure du père (Anatol Vieru et, d'une certaine manière, Jean Sébastien Bach) est fondamentale, mais il y a un ton constamment rebelle et parfois sarcastique. Détestant les figures artistiques construites et faussement élaborées, il n'est pas tendre avec les clichés, avec les vanités, avec les images faciles de l'artiste. On lira des pages étonnantes sur Salinger, Gide, le philosophe roumain Terente Robert et bien sûr Cioran. Mais aussi sur les musiciens : de Miles Davis à John Cage, en passant par Glenn Gould (qu'il admire et critique en même temps) et Chostakovitch. Le ton est parfois technique (en mathématiques et en musique), mais c'est par goût de la précision plus que par esprit pédant. Le ton est tour à tour celui du pamphlet, de l'essai philosophique, de la confidence. Ce mélange subtil est extrêmement séduisant. Il y a une construction à la fois rigoureuse (l'art est décliné avec une série de thèmes) et fantaisiste, ou plutôt ludique.
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