LE CABOCHON D'EMERAUDE PRECEDE DE L'HOMME A LA PEAU DE BIQUE

Le succès populaire d'Arsène Lupin fut tel qu'il éclipsa les autres facettes du talent littéraire de son créateur, Maurice Leblanc. C'est dans ce cadre qu'il faut situer ces deux nouvelles policières, oeuvres de sa maturité. L'Homme à la peau de bique, paru en mai 1927 dans une anthologie, se présente comme une parodie d'Edgar Poe et en particulier de sa nouvelle Double assassinat dans la rue Morgue. Avec beaucoup de virtuosité et d'humour, Leblanc mène l'intrigue avec élégance jusqu'à la résolution de l'énigme. Derrière cette écriture pleine d'allégresse, il traite d'une question essentielle : quelle est la part d'animalité dans l'homme ? Et, réciproquement, quelle est la part d'humanité dans l'animal ? Le Cabochon d'émeraude, paru en 1930 dans une revue, est une nouvelle policière bâtie sur un phénomène inconscient, l'acte manqué. Maurice Leblanc souligne ainsi son intérêt pour la psychanalyse, alors naissante. La connivence entre celle-ci et le roman policier est marquée par le fait qu'ils procèdent par indices-symptômes qui permettent de démasquer le "coupable". Dans son excellente préface, Raymond Prunier cite un passage de L'Introduction à la psychanalyse où Freud lui-même fait le rapprochement avec les deux démarches à propos des actes manqués. Disciple et ami de Flaubert, protégé de Maupassant, Maurice Leblanc prouve, avec ces deux nouvelles, qu'il appartient bien à la grande histoire de la littérature française. Une lecture plaisante qui devrait le faire découvrir sous un autre visage. Il existe deux éditions monolithiques de ses oeuvres (Le Masque et Bouquins), aussi ces deux nouvelles représentent un excellent moyen de découvrir son travail et de s'initier à la littérature policière.