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RECUEIL DE PIECES FUGITIVES EN PROSE ET EN VERS PAR M V 1739

VOLTAIRE
10.00 €
Sur commande
Code EAN : 9782862726137
Editeur : PU SAINT ETIENN
Date de parution : 20/04/2012
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RECUEIL DE PIECES FUGITIVES EN PROSE ET EN VERS PAR M V 1739Extrait de l'introduction

Immédiatement après sa parution chez le libraire parisien Prault, le Recueil de pièces fugitives en prose et en vers par M. de V*** est saisi par la police de Paris, le 24 novembre 1739. Condamné à une amende, Prault doit fermer boutique pendant trois mois, tandis qu'un arrêt du Conseil d'État du Roi du 4 décembre supprime le Recueil et le condamne à la destruction. Décision du pouvoir relativement discrète contre une édition non autorisée, la mesure est destinée à faire le moins de publicité possible à un ouvrage dont la majeure partie des pièces circule en même temps en manuscrit, ou a été publiée ailleurs. Les réactions de Voltaire - que l'on trouve réfugié à Bruxelles dès le 5 décembre - ne se font pas attendre: le 1er, il écrit - sans succès - au lieutenant général de police de Paris et conseiller d'État René Hérault afin de le convaincre de l'innocuité du recueil; début janvier, c'est auprès du marquis d'Argenson, son ancien condisciple au collège de Louis-le-Grand, esprit éclairé bien introduit en cour, qu'il plaide sa cause. Avec ces deux personnages haut placés, Voltaire joue l'étonnement et évoque la présence de «quelques idées peu mesurées» ou de «choses [...] innocentes», tout en s'inscrivant dans une tradition poétique libertine et licencieuse aux côtés de Chapelle. Chaulieu, La Fontaine, Rabelais ou Jean-Baptiste Rousseau: «Il s'en faut baucoup que le receuil [sic] de Praut aprochast de la liberté du moins hardy de tous [c]es auteurs». C'est évacuer bien vite la portée subversive et assez peu orthodoxe de nombreux textes contenus dans le Recueil.

Une oeuvre sulfureuse

La trame commune à la plupart des pièces consiste certainement en la critique globale et répétée, par touches plus ou moins étendues et plus ou moins appuyées, du système de valeurs établi par la religion chrétienne, ainsi que de ses institutions. Fanatisme religieux, intolérance, superstitions, judéo-centrisme, guerres de religion, immixtion du spirituel - et surtout de la papauté - dans les affaires temporelles, pessimisme et rigorisme jansénistes défendus par Pascal... Nombreuses sont les voies d'accès de cette critique qui marque par sa constance d'un texte à l'autre. Aux fidèles, et à son ami Cideville, Voltaire expose d'ailleurs ironiquement les raisons véritables de la brutale mise au pilon subie par l'ouvrage: «Cesserai-je d'aimer des fruits délicieux parce que des serpens ont voulu les infecter de leur venin? [...] La main des sots et des bigots a aparemment voulu m'écraser sous cet édifice; mais ils n'y ont pas réussi, et l'ouvrage et moy nous subsisteron4». Il est sûr qu'avec de telles thématiques, le Recueil s'inscrit ouvertement dans la perspective des Lettres philosophiques, elles aussi censurées et condamnées par arrêt du Parlement en juin 1734 puis supprimées par un arrêt du Conseil du Roi en octobre suivant. La parution du Recueil constitue donc le deuxième fait d'armes de Voltaire dans les années 1730, et le marque irrémédiablement du sceau du diable. Mais l'on comprend que le pouvoir ait cette fois-ci pu privilégier une riposte plus discrète afin de ne pas alimenter la réputation déjà sulfureuse de l'auteur.
Compilant aussi bien des pièces de jeunesse, produites à la fin des années 1710, que des oeuvres inédites écrites à la fin des années 1730, le Recueil présente donc un assortiment de textes annonçant ou approfondissant les critiques exposées dans les Lettres philosophiques. Parmi les points saillants, on retiendra d'abord le volet moral et «philosophique», principalement développé dans les Discours en vers sur l'homme, mais dont la thématique court dans bien d'autres pièces. L'ensemble défend de manière éclatante une philosophie de vie fondée sur la recherche du bonheur, et que justifient les principes mêmes de la religion naturelle. Contre le rigorisme religieux, en particulier tel que le défendent les jansénistes et les oeuvres de Pascal, contre l'esprit chrétien qui jette l'opprobre sur les plaisirs, Voltaire affirme la nécessité de l'hédonisme et de la jouissance, ainsi que le rôle fondamental des passions, tous fruits de la volonté divine. Accéder au bonheur par de telles voies - qui n'excluent cependant pas la modération et la mise à distance de passions négatives telles que l'envie -, c'est aussi réaliser pleinement notre nature humaine.

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