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PETIT VOCABULAIRE DE SURVIE - CONTRE LES AGELASTES & LA TIMIDITE DE LA PENSEE ET DU DIRE

HOST MICHEL
25.00 €
Sur commande
Code EAN : 9782705683368
Editeur : HERMANN
Date de parution : 21/08/2012
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PETIT VOCABULAIRE DE SURVIE - CONTRE LES AGELASTES & LA TIMIDITE DE LA PENSEE ET DU DIREMot à mot

- À l'instar de Paul Valéry, quoi qu'on dise ou écrive, «Je trouve indigne de vouloir que les autres soient de notre avis.» -

Le cher Jean-Jacques, en son traité d'éducation, voulait «resserrer» au plus près le vocabulaire de l'enfant, qu'il n'ait pas «plus de mots que d'idées», lui donnant ainsi le moyen d'atteindre à la sagesse paysanne dont le dictionnaire est «moins étendu». J'acquiesce à tant de pertinence, ayant moi-même peu d'idées et encore de la terre à mes souliers.
Chacun naît sans mots, gargouillant (gazouillant, pour ses proches) et, par voie de conséquence, sans aucune connaissance de rien de ce monde. J'ignore quel fut le premier que je dis, mais avec lui surgit ma première pensée. Un mot appelant l'autre, très vite, je me fis des idées. Je sus d'emblée que la suite ne serait pas drôle. J'acquis, en somme, une tournure d'esprit. Plutôt babillard, je me rendis nu-propriétaire (les usufruitiers étant mes futurs lecteurs) de quelques pierres lexicales qui, prises dans le ciment d'une syntaxe d'époque, dressèrent l'édifice du mauvais esprit, sorte de pavillon de guingois où, au fil des jours, je pris mes aises. Grandissant, me frottant la cervelle, je le meublai de plus de locutions que de slogans, l'agrandis de discours et d'utiles pensées. Depuis, il est ce drôle de manoir entouré de terres que pollue la surveillante générale de la parole, la nouvelle bonne pensée, plus vaticane que l'ancienne.
En mes murs, en mon jardin je vais libre et je vis: le lecteur attentif ne manquera pas d'observer que j'y rends volontiers hommage à bon nombre de compagnons, mes auteurs de prédilection; que je m'y contredis à l'occasion et que non sans complaisances passagères j'y bombe le torse ou m'y traîne plus bas que terre selon l'heure du jour ou de la nuit. Tout un art de (sur)vivre au temps des charlatans que l'on encense et médaille au nom du bien général, du peuple universel, de l'idée saine, de l'euphémisme et de la litote. Repensons au château de la Bête, où Jean Cocteau nous montre des bras sortant des murailles, la main armée d'un flambeau: je voudrais que l'on voie mes mots comme ces flammes accrochées aux murs de mon alcazar de banlieue.
Nul ne sait quand viendra l'heure du mot de la fin, et avec elle - et lui - l'écroulement de la maison, de la vie, de la cabane, du château. Un jour «les mots vous lâchent... même eux vous lâchent» -, pensait Samuel Beckett. C'est qu'ils ont alors dépassé notre pensée, et nous restons sans mots, comme à notre naissance.

M. H.

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