Fort de ses 85 livres et de sa stature d’académicien, André Maurois a marqué l’histoire littéraire par son excellent travail de biographe : Balzac, Hugo, Sand, Proust, mais aussi par son travail de romancier qui accordait, au nœud de ses intrigues dramatiques, une place prépondérante à l’amour. Dominique Bona, elle aussi biographe et romancière, a eu une très bonne idée, celle de nous raconter la vie d’André Maurois à travers le portait des trois femmes qui ont compté dans sa vie : Janine, sa première femme qui lui donnera trois enfants, une blonde d’origine polonaise, nonchalante et langoureuse (tout son contraire à lui, si rigoureux, travailleur, épris du sérieux de l’esprit) à qui il voua un amour inconditionnel, à la limite du ridicule romantique; Simone, sa deuxième femme, l’anorexique mondaine, femme de lettres, qui propulse son homme vers l’Académie française où il fut élu en 1949 – "Elle s’occupera de son œuvre avec un soin jaloux. Elle sera son amie, sa servante" – et enfin Maria, la Sud-Américaine au parfum vénéneux, jeune, grande, belle, blonde, que Maurois rencontra lors d’une conférence au Pérou et avec qui il a entretenu une brève relation adultère et une longue correspondance amoureuse qui ressuscitèrent en lui le bonheur ou l’illusion "d’aimer comme à 20 ans".
Le travail effectué par Dominique Bona à partir de la correspondance privée de Maurois est tout simplement magistral. L’auteur réussit à faire revivre pleinement l’ambiance parisienne et littéraire de l’entre-deux-guerres et à donner corps à ses acteurs. Mais le coup de maître, c’est de nous donner à lire, entre les lignes, une biographie d’André Maurois par le récit de la vie des trois femmes qu’il a aimées, comme si, en renversant ici la formule d’Aragon, on apprenait que la femme n’est pas seulement l’avenir de l’homme, mais que c’est le devenir de l’homme qui est présent, inscrit et permis par la femme. André Maurois est devenu écrivain grâce à ses trois grâces. Elles l’ont mis au monde.
Dans Il n’y a qu’un amour Dominique Bona répare une injustice : elle rend un vrai hommage, elle redonne leur vraie place à trois muses maïeutiques que l’histoire littéraire, éprise de grands hommes et si peu des dames, aurait à coup sûr oubliées ou bâillonnées. --Denis Gombert
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