menu

AVEZ-VOUS L'ADRESSE DU PARADIS ?

BOTT FRANCOIS
17.00 €
Sur commande
Code EAN : 9782749120959
Editeur : CHERCHE MIDI
Date de parution : 23/08/2012
17.00 €
Sur commande
AVEZ-VOUS L'ADRESSE DU PARADIS ?Première journée

7 novembre 2010. Plus de 25000 personnes de toutes nationalités participent au marathon de New York, qui se déroule comme chaque année le premier dimanche de novembre.

René Maupas se trouvait parmi la foule bariolée qui attendait le départ de la course, sur le pont Verrazano. Il y avait des champions, des joggers, des trottineurs du dimanche et des people pour une fois mêlés au peuple des anonymes. Parmi les professionnels, on remarquait surtout les représentants de l'Éthiopie et du Kenya, les extraterrestres du continent africain, les divins athlètes de Lalibela ou du Kilimandjaro, les petits hommes des hauts plateaux, si légers, si frêles d'apparence, mais si résistants. Leur maître à tous, le «patron», c'était Gébrésélassié, le héros mythologique de la nation éthiopienne, avec sa foulée économique qui le mènerait, s'il fallait, jusqu'au bout de la Terre. Les personnalités, les people - acteurs, chanteurs, hommes politiques, animateurs TV -, venaient au marathon de New York pour perdre leur ventre, mesurer leur forme physique et surtout se montrer: corriger, soigner, améliorer leur image et prouver qu'ils avaient l'étoffe des héros, en donnant des leçons de courage. Car l'«image» est l'obsession de notre époque... Dans la foule, perdu parmi tous ces visages, René aperçut le petit sourire triste, si doucement triste, d'une jeune championne africaine. Comme si elle savait déjà ce qu'était, ce que serait la vie.
Apprenti diplomate, sorti de l'ENA pour entrer au Quai d'Orsay, René Maupas se trouvait, pour sa part, dans la salle d'attente de sa vie, le préambule, l'antichambre de sa carrière. Il ne savait pas encore quelle serait sa première affectation. Il espérait que ce ne serait pas un de ces pays improbables, de ces pays impossibles d'Asie centrale: l'Azerbaïdjan, le Kazakhstan, l'Ouzbékistan, que sais-je encore? Il regardait beaucoup les cartes de géographie, réveillant une passion d'écolier, née sur les bancs du lycée Henri IV, dans les années 1990... Si René était venu participer à cette course, c'était pour étoffer, nourrir son CV. Il pensait que ce serait très chic d'y mettre le marathon de New York. Il était de ces jeunes gens très méticuleux et très organisés, qui calculent leur avenir et suivent très tôt une stratégie médiatique. René Maupas ne négligeait rien pour la construction de son «image» et de sa carrière. Et puis il rêvait de faire comme ses illustres prédécesseurs - Jean Giraudoux et Paul Morand -qui, dans leur jeunesse, furent à la fois écrivains, diplomates et coureurs à pied. René Maupas écrivait également. Du moins avait-il des prétentions, sinon des ambitions littéraires.
Rendez-vous des chercheurs de rêves, le marathon de New York débutait à Staten Island. Il passait ensuite par Brooklyn et par le Queens, traversait East River par le Queensboro Bridge et rejoignait Manhattan, remontait la Première Avenue, faisait un détour par le Bronx et se terminait à Central Park. Les uns - les champions - allaient mettre un peu plus de deux heures à parcourir les 42,195 kilomètres. Les autres feraient le parcours en trois ou quatre heures, voire six heures. Et quand ils arriveraient, les champions seraient déjà rhabillés, peut-être même rentrés à leur hôtel, avec leurs bouquets de fleurs. Cependant, la plupart des concurrents choisiraient de rendre l'âme plutôt que d'abandonner. Cela s'appelle «mourir pour la beauté du geste», même dans les époques les moins rêveuses et les moins romantiques. Pour ces visages creusés, parfois ravagés, écarlates ou livides, la ligne d'arrivée, sous les arbres de Central Park, aurait des prestiges de terre promise. (...)

Commentaires (0)

forum
Soyez le premier à déposer un commentaire !
keyboard_arrow_down
expand_less