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LA VIE DE MORGAN

SEGALAT LAURENT
17.00 €
Sur commande
Code EAN : 9782841867042
Editeur : MICHALON
Date de parution : 22/08/2013
17.00 €
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LA VIE DE MORGANMorgan s'assit sur le divan avec précaution.
- Évitez de vous plier en deux les premiers jours, avait dit l'infirmière.
En dépit de la douleur qu'il ressentait au postérieur, Morgan était satisfait de sa décision. L'environnement, la pollution, la préservation de la nature, le réchauffement de la planète, les énergies propres, Morgan s'était toujours senti concerné. Et puis, cette année, le gouvernement prenait à sa charge la moitié du coût de l'opération. Pour l'autre moitié, il avait pris un crédit auprès de Bellevie Vos Rêves, la filiale crédit du groupe Belle-vie. Six mille points, c'était encore cher; mais, entre les économies de carburant qu'il ferait et les excédents qu'il pourrait revendre à Bellevie Énergies, il espérait les récupérer rapidement.

Morgan sortit de l'emballage la ceinture réservoir de méthane. C'était une poche plastique de quatre-vingts centimètres de large sur vingt de haut. Cinq crochets permettaient de la fixer autour de la taille. Du milieu du réservoir pendait le tube souple à raccorder à la valve rectale. Le modèle qu'il avait choisi avait une capacité de quatre litres, la contenance recommandée pour débuter. Ensuite, il pourrait en acquérir une de capacité supérieure s'il le souhaitait.

Morgan imagina la poche remplie de méthane de sa propre fabrication. Il eut un sourire de contentement. Le pet, source d'embarras et de moquerie pendant des siècles et des siècles, trouvait enfin son utilité. L'homme, dans son génie moderne, avait enfin domestiqué cette source inépuisable d'énergie, comme autrefois il avait dompté les rivières avec des barrages pour en faire sortir une énergie propre. Morgan se leva et attacha la ceinture à sa taille. Elle lui allait parfaitement. Vide, elle était invisible sous un pull; remplie, une veste la dissimulerait sans mal. Il fut tenté de brancher le tuyau mais se ravisa. L'infirmière avait conseillé d'attendre six jours pour laisser au rectum le temps de cicatriser.

L'extrémité du tuyau était munie d'un embout universel prévu pour s'adapter aussi bien à la valve rectale qu'au réservoir à dépression de sa Renault. Deux petits clics et le précieux gaz y serait transféré sans déperdition. Morgan avait acquis l'année précédente un modèle tribride essence - méthane - électricité. Ce n'est pas qu'il ait eu beaucoup l'usage d'une voiture; seulement une occasion par ici ou par là. Mais, dans ce monde où les déplacements étaient limités à cause de la cherté de l'énergie, la voiture représentait paradoxalement une forme de rêve et de liberté. Celle de pouvoir aller là où on le voulait, à son rythme, à sa guise. Sans être contraint par les itinéraires et les horaires des transports publics et des taxis collectifs. Alors Morgan s'était laissé tenter. D'autant plus qu'acheter une tribride - modèle commercialisé uniquement par Renault et Peugeot - permettait d'échapper à l'emprunt obligatoire. La sienne avait une autonomie de deux cents kilomètres en fonctionnement électrique; le méthane et l'essence octroyaient une autonomie supplémentaire. L'essence resterait pour longtemps hors de prix, sauf si d'aventure l'économie mondiale devait subir une nouvelle crise. L'électricité était devenue très chère depuis la privatisation des fournisseurs. Restait le méthane de fabrication artisanale.

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