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IL N'Y A PAS DE SPARADRAPS POUR LES BLESSURES DU COEUR

SZABOWSKI FRANCOIS
20.00 €
Sur commande
Code EAN : 9782919176243
Editeur : FORGES VULCAIN
Date de parution : 06/06/2013
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IL N'Y A PAS DE SPARADRAPS POUR LES BLESSURES DU COEURI. LA PERSONNE ÂGÉE EST UN ANIMAL À SANG CHAUD

La nuit est noire et je n'entends rien. Je suis couché sur le flanc. Je sens la masse chaude de Rose lovée contre mon dos. Elle doit ronfler sans doute, mais j'ai pris soin de mettre des bouchons d'oreille, que j'ai doublés d'un bandeau élastique en tissu éponge, qui recouvre complètement les lobes et maintient ma tête dans une gangue étroite. Un espace capitonné, qui me laisse tout le loisir de réfléchir et de faire le point, seul avec moi-même. J'ai beau tourner et retourner le problème dans tous les sens, je ne vois pas comment j'aurais pu éviter le triste dénouement dont j'ai été victime hier soir, quand Clémence, ma compagne, m'a chassé manu militari de ce qui était jusqu'à lors notre foyer. Qu'aurais-je donc bien pu faire? Sacrifice, tendresse, dévouement, j'ai déployé sans ménagement toutes les ressources que mon âme recèle, et il semble bien que tout cela fut en vain. L'homme a beau s'échiner: pour construire un couple, il faut être deux, et Clémence, manifestement, durant ces six mois de vie commune, avait en tête d'autres priorités. Doit-on l'en blâmer? Nous vivons une époque où malheureusement l'individuel prime sur le collectif, où la lutte pour la survie est sans pitié et Clémence a eu sans doute raison, dussé-je en subir les conséquences, de penser avant tout à elle et à sa carrière. Je vis maintenant avec Rose, une vieille femme qui, au crépuscule de sa vie, et alors qu'elle vient d'être lâchement abandonnée par un mari stupreux et vicelard ayant préféré partir dépenser sa pension dans les lupanars dorés des pays pauvres plutôt que de s'occuper d'une femme qui lui avait dévoué sa vie, a besoin de voir les maigres années qui lui restent à vivre illuminées par le néon de l'amour et de la tendresse. Et je serai là, à n'en pas douter, pour lui offrir cette félicité, en dépit de notre différence d'âge et des sacrifices que cela implique pour moi en matière d'érotisme. Mais Rose aura-t-elle les ressources financières pour assurer à notre amour mutuel une longévité propre à m'accorder le calme et la stabilité indispensables à la poursuite de ma carrière d'artiste? J'ai des frais, elle le sait. Le métier d'écrivain est épuisant physiquement tout autant que moralement pénible, et nécessite de larges plages de lâcher-prise où la tension s'évacue. Pris par la tornade des événements, nous n'avons pas encore eu le temps, malheureusement, d'aborder ces questions. Officiellement, je ne suis d'ailleurs là que pour une seule nuit. Mais nous avons bien conscience, elle et moi, que nous avons pris goût l'un à l'autre, et que, dans la situation de précarité sentimentalo-immobilière où nous nous trouvons, cette déclaration de principe, dictée par la prudence et la timidité, ne fera pas long feu.

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