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LA PETITE CLOCHE AU SON GRELE

VACCA PAUL
6.90 €
Sur commande
Code EAN : 9782253175513
Editeur : LGF
Date de parution : 08/05/2013
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LA PETITE CLOCHE AU SON GRELELe retour du collège relève pour moi d'un ordre aussi immuable que le lever du jour, la chute des corps ou la ronde des saisons. Sitôt poussée la porte du bar, la clochette tinte et, au bout du comptoir, tu lèves le regard de ton livre. Ton visage s'éclaire.
- Comment s'est passée ta journée? me demandes-tu d'une voix chantante.
Quoi qu'il me soit arrivé, je te murmure:
- Très bien.
Je jette mon cartable à terre et contourne le comptoir pour t'embrasser; tu glisses ta main dans mes cheveux en les recoiffant. Je prends place à la table entre la fenêtre et le flipper où tu m'apportes mon goûter. À ce moment-là, papa apparaît traversant le bar, les bras chargés de casiers de bouteilles et, arrivé à ma hauteur, il passe sa main gantée dans mes cheveux et y rétablit le désordre.
- Ça va, fiston?
À cette heure, il n'y a pas grand monde dans le café, juste quelques habitués, irréductibles piliers qui s'adressent en continu au patron, prêchant dans le désert. Affairé derrière le comptoir, papa hoche mollement la tête en signe d'approbation, sans même savoir de quoi on l'entretient.
C'est l'heure de mes devoirs. Tu as imposé au bar une règle de silence presque aussi stricte que dans un monastère. Que quelqu'un se laisse aller à hausser le ton, à rire ou à s'approcher du flipper, instantanément ton regard le foudroie.
Bercé par les chuchotements et le froissement des pages de ton livre, j'attaque sans grande conviction mes devoirs, restant à la surface des lettres ou des chiffres qui défilent sous mes yeux.
Puis vient l'heure où la clochette s'affole à nouveau, où le bar reprend vie. Mon horizon devient bleu, de la couleur des tenues de travail des clients qui se massent en une bourdonnante mêlée autour du comptoir. Les verres s'entrechoquent, l'air se charge d'anisette, de fumée de tabac brun, d'invectives amicales et de rodomontades.
Alors, un simple échange de regards nous suffit.
Tu ranges ton tablier, quittes l'arrière du comptoir sur la pointe des pieds; moi, j'enfourne à la diable mes livres et cahiers dans mon cartable et, tous les deux, sous le regard réprobateur de papa, on s'enfuit.

Comme deux évadés, on court en se tenant par la main, heureux de laisser derrière nous l'agitation enfumée du bar. Une fois traversé la nationale, on s'enfonce dans la pénombre des sous-bois, louvoyant entre les arbres sur un chemin qu'on croit être les seuls à connaître. Puis la forêt s'éclaircit et notre chemin rejoint le sentier herbeux le long de la Solène, la tendre Solène qui coule entre les villas fleuries de la bourgeoisie de Montigny.

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