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A LA DEMANDE GENERALE

BLANCHARD ANDRE
18.00 €
Sur commande
Code EAN : 9782842637705
Editeur : LE DILETTANTE
Date de parution : 27/04/2013
18.00 €
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A LA DEMANDE GENERALE2009

Mars

C'est le nouveau logo de la hiérarchie, on ne peut plus dans l'air du temps, qu'on voit dans les brocantes et autres vide-greniers: sur les étals, bibelots et camelote; par terre, en vrac comme si on avait vidé la poubelle, les livres. Devoir se mettre à genoux afin de fouiller parmi ces déchus revient à schématiser l'envie qui nous prend: demander pardon.
Et en acheter, c'est l'être, pardonné.

*

C'est une des plus belles phrases de Proust, et une mini s'il vous plaît, il ne se refuse rien, celle qu'il prête à Albertine dans la lettre qu'elle écrit au narrateur après qu'elle a fui: «Je n'oublierai pas cette promenade deux fois crépusculaire (puisque la nuit venait et que nous allions nous quitter).» À propos de cette Albertine qui s'échappe, ce qui ranime illico l'amour du narrateur - au moment pile où cet amour tenait plutôt du Yo-Yo - et déclenche sa jalousie, puis la dope, notons ce miracle: partir d'un postulat bien douteux, voire faux, qu'un homme est jaloux des conquêtes féminines de sa maîtresse, et en tirer de l'irréfutable, en arriver à ce que tout lecteur, fût-il le plus obtus, dise: «Je prends!» Et nous prenons même ce qui fend le coeur. Les cent dernières pages d'Albertine disparue, Gilberte qui renie son père, son mariage de parvenue avec Saint-Loup, la révélation que celui-ci a les moeurs de Charlus et ce que cela provoque comme dégâts chez le narrateur, bref, ces dessous guère folichons, comme ils préparent avec maestria Le Temps retrouvé, cet hymne à la cruauté. Toujours appuyer là d'où partent les aïe, il y déploie le même don qu'en sens contraire, pour magnifier, afin par exemple qu'une haie d'aubépines nous en bouche un coin, sauf de paradis. Voudrions-nous lui renvoyer même un riquiqui de satire, que nous n'irions pas loin. Ce qu'il y a de bien, en effet, avec Proust, c'est qu'il encaisse. Nous pouvons nous en donner à coeur joie en usant de toute la panoplie de l'assaillant: «Même pas mal», pourrait-il dire. Ce que nous lui administrons, ce sont des chiquenaudes. En voici une. Dans Albertine disparue, à un moment, le narrateur reçoit une seconde lettre d'Albertine, censée être morte. Nous nous disons: bon, Proust a épuisé son sujet, c'est-à-dire le désespoir causé par la mort d'Albertine, les affres de la jalousie à cause des conquêtes féminines qu'elle a eues, puis les intermittences du coeur, lequel valse entre se remettre petit à petit et ne pas le vouloir, enfin vient le chemin de la délivrance, qui est l'oubli. Et tandis que nous nous le disons, nous voici à nous représenter Proust tout d'un coup se frappant le front: mince, j'ai encore à montrer qu'un amour moribond ne peut revivre; donc, afin d'ausculter un tel cas, je dois feindre qu'Albertine n'est pas morte et va revenir. Pour réussir ce joli développement, il faut à Proust un stratagème; d'où une dépêche de quatre lignes par laquelle Albertine lui annonce qu'elle est toujours vivante, dépêche qui en réalité est de Gilberte mais que le narrateur croit d'Albertine, et pourquoi? because, comme dirait Odette, des lettres mal formées, le G ayant l'air d'un A gothique, les barres des t et les points sur les i dessinant des arabesques, de même que les boucles des s; tant qu'on y est, pourquoi pas tout l'alphabet, chamboulé! Cette explication due à la typographie, on n'y croit pas une seconde. Malgré quoi, médusé, on marche. C'est donc mieux qu'avec Dieu.

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