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DE TEMPETE ET D'ESPOIR - T01 - SAINT MALO - TOME 1 - SAINT-MALO

DEDEYAN MARINA
20.50 €
Sur commande
Code EAN : 9782081261655
Editeur : FLAMMARION
Date de parution : 19/01/2013
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DE TEMPETE ET D'ESPOIR - T01 - SAINT MALO - TOME 1 - SAINT-MALOGondelour, Negapatam, Pondichéry, Chandernagor, Madras, quatre ans déjà que les Indes hantaient mes rêves, depuis que mon frère Jean avait embarqué pour ces terres lointaines, dans cette guerre féroce qui nous opposait aux Anglais à travers le monde.
Je recueillais dans la lecture de ses lettres si rares ces détails précieux qui emportaient au loin mon imagination. Les berges sableuses de la côte de Coromandel frangée de palmiers, la moiteur de l'avant-mousson, les banians dont les troncs poussent à l'envers depuis les branches, les perruches bleues et vertes perchées dans les tamariniers aux fruits douceâtres ou dans les manguiers, ces femmes à la peau sombre drapées de pagnes aux teintes éclatantes, des grappes de jasmin dans les cheveux, le parfum des épices, cannelle, poivre, muscade ou girofle, la chaleur, encore la chaleur, comme nous ne la connaissons guère en notre Bretagne. Je voyais, je sentais tout cela. Je le vivais chaque jour, chaque nuit, avec mon frère. Je n'oubliais pas la guerre, le fracas des coups de canons et des tirs de mousquets, la résistance héroïque à nos perfides adversaires, la mort défiée, les nuits de veille sous ces deux étrangers, l'odeur de la poudre et du sang versé. J'enviais aussi Jean pour cela, le frisson de la peur, l'excitation du danger, car ici, à Dinan, entre les murs gris du couvent des Ursulines, je ne craignais rien, je n'attendais rien, si ce n'était son retour.
Outre la pensée de mon frère, je vivais de lectures et de prières, me tenant avec soin à l'écart de ces coteries de demoiselles auxquelles est propice la vie en communauté. Je ne me mêlais guère à leurs menues querelles, à leurs vaines rivalités, à ces interminables complots dont chacune avait oublié les origines et les buts, puisque le plaisir résidait dans les secrets partagés, les chuchotis du dortoir, les envolées de jupes dans les recoins sombres. Je ne partageais pas non plus leurs joies, leurs émois, leurs espérances. Je n'avais pas de véritables amies au couvent. Je n'y comptais guère d'ennemies non plus. Je me sentais différente, mais n'en éprouvais nul ressentiment et n'en tirais aucune gloire.
Au nombre de mes défauts, je ne compte point la jalousie. J'accordais volontiers mon aide pour achever une broderie, participer à une corvée ou débrouiller un texte de latin. Aussi me tenait-on pour bonne camarade. Jamais, toutefois, on ne me demandait conseil, mes compagnes redoutant ma franchise et mes réponses sans détour.

Quand Angélique de Kérillis nous fit ces adieux ce premier matin de septembre 1761, nous nous étreignîmes sans passion particulière. Je la félicitai en toute sincérité pour son mariage prochain, sans une once d'envie ou de curiosité, au contraire de bien d'autres. À son invitation aux noces, j'apportai une réponse évasive, même si Angélique avait été une des seules pensionnaires avec laquelle j'eusse partagé quelque affinité, le goût du savoir, une certaine audace dans nos vues, un mépris amusé pour les préoccupations futiles des autres demoiselles. Elle m'était reconnaissante aussi de ne lui avoir jamais manifesté la moindre hostilité. Bien née tant par son nom que par sa fortune, vive d'esprit et gracieuse comme une nymphe, promise de surcroît au beau vicomte Henri de la Bodinais, dont le seul nom faisait défaillir toutes ces donzelles, elle suscitait autant de haine que d'admiration.
(...)

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