DIT NERVAL

Indéfinissable ouvrage, dont les limites sont -au mieux- tracées par un titre énigmatique : Dit Nerval. On pourrait croire à la fois à l'annonce et à la clôture d'un témoignage oral attesté, et à une chanson médiévale, le "dit", défini par l'auteur elle-même comme quelque chose situé "entre le conte et la rumeur historique ou légendaire autour de quelqu'un". A la brillante manière de Michel Leiris, Florence Delay élabore une auto-fiction de mémoires recomposées à mille lieues de toute autobiographie, où nous devons réinventer une lecture qui refuse la linéarité. Ce petit livre est une porte ouverte vers d'autres cieux, d'autres sens, des échos infinis qui méritent, plus qu'une progression page à page, des retours, des sauts en avant, au hasard des rencontres, des citations obsédantes de l'œuvre de Nerval ou des apparitions fugaces d'une hirondelle. C'est ce qui fait de cette histoire la nôtre, car elle construit son originalité autour de nos sensibilités propres. On lit Dit Nerval comme un bréviaire où Florence Delay, peut-être toujours habitée de l'art de Leiris, questionne le statut de poète, s'interroge sur le lien entre névrose et création et contemple son visage d'écrivain à travers ceux de Jean Delay, son père (écrivain, psychiatre et créateur de la psychopharmacologie), et de Gérard de Nerval. De ce bréviaire s'élève une oraison à une Trinité très particulière, une louange à l'amour que portait le professeur Delay au poète, à la tendresse d'une fille pour son père, à la découverte d'un génie créateur par un autre en devenir.--Sophie Rouanet--