«Ce serrement de coeur lorsque l'engin de démolition a attaqué la façade. Ces lames de bois qui volaient en éclats. Ces murs qui s'effondraient. Ces cloisons qui s'écroulaient. Le lendemain, la maison n'était plus qu'un magma de ferraille, de verre pilé, de béton broyé. Après tout, peut-être était-ce mieux ainsi : elle ne tomberait pas en ruine, à l'inverse de la nôtre. Lorsque je suis revenue, à peine avais-je serré le frein à main que j'ai aperçu, à travers le pare-brise, les lézardes au-dessus de la porte d'entrée. De larges taches brunâtres maculaient la façade et, de ce côté du toit, quelques ardoises manquaient. La maison avait déjà renoncé à vivre.» Tel est le constat fait par Livia quand, à la mort de son père, elle retourne sur les lieux de son enfance, dans la maison où elle a vécu, qu'elle a quittée depuis bien longtemps et où on lui reproche silencieusement sa longue absence... Ailleurs, du haut de son immeuble, le vieil Amédée observe les engins de terrassement détruire un pâté de maisons et se souvient de sa propre expérience quand la construction d'une autoroute les avait chassés, lui et son épouse, de leur jolie petite maison à l'orée du bois, événement traumatisant qui laissa des traces dans le couple et qui précipita peut-être la mort de la femme... Ailleurs encore, Adrien va être expulsé : son immeuble a été déclaré insalubre ; il sera relogé à la périphérie de la ville, dans des cubes de béton d'où suinte la peur... Une nouvelle vie peut-elle être possible dans ces conditions «inhumaines» ? Antonio, lui, travaille à la démolition des vieux immeubles. L'immigré portugais a quitté son pays avant la Révolution des oeillets ; depuis, sa femme l'a quitté, lui reprochant de n'avoir pas été là quand il fallait se battre pour son pays. Son histoire personnelle explique peut-être la rage et l'énergie incroyables qu'il met aujourd'hui à manier sa pelle mécanique...
Commentaires (0)