MOP

Je suis étendu par terre, raide, sur le sable humide.
Dans la chute, ma tête a heurté le piano. Un bruit sourd et mat. Presque rien. Un bruit d'oeuf à la coque que l'on cogne, crock, contre le rebord d'une table en bois.
Mon crâne est chaud. Le sang coule et rigole sous ma nuque comme un petit ruisseau. Il chante, on dirait.
Mes paupières frétillent. Au-dessus de moi, les visages de Yong et Mouna s'effacent. Sous la gomme blanche et aveuglante d'une lumière irréelle.
L'air se fait rare.
Mes yeux se referment. Je ne les ouvrirai plus. Un vieux blues de Chicago.
Des champs de blés mûrs se couchent à perte de vue et cachent leurs reflets dorés sous un voile cendreux.
Ils renaîtront au soleil, demain, au bout de cette nuit.
Là-haut, l'oeil pisseux de la lune observe l'enfant qui se sauve en courant. Ses pieds nus foulent les blés et laissent derrière eux un sillon minuscule. Il sait qu'une aube nouvelle l'attend là-bas, plus loin, alors il court à travers champs, enjambe des rivières, trace sa vie, court, court, puis s'enfonce dans le noir.