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LE CRI DU CANARD BLEU

VIALATTE ALEXANDRE
10.00 €
Sur commande
Code EAN : 9782842637354
Editeur : LE DILETTANTE
Date de parution : 28/09/2012
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LE CRI DU CANARD BLEUComment je suis devenu auvergnat

Je ne me souviens plus quand j'ai rencontré les oeuvres du fameux chroniqueur du journal clermontois La Montagne. Je ne suis pas tombé dedans quand j'étais petit, j'ai plutôt trébuché dessus entre un retour d'Afrique et un départ pour l'Amazonie. Qu'importe, car il n'est jamais trop tard pour puiser de la joyeuse énergie dans les textes d'Alexandre Vialatte. Je veux croire que c'était au moment précis où j'en avais le plus besoin, à l'âge auquel je pouvais les digérer avec légèreté, me rapprochant de l'état de Grande Frivolité, «quand l'âme désabusée prend des ailes de mousseline et s'envole comme une fumée bleue» dit Vialatte.
Ensuite, ils ne m'ont plus jamais quitté. Je les garde à portée de main et j'y prends de temps en temps quelques cuillerées. Cela suffit à éloigner les importuns comme de croquer une gousse d'ail ou de déballer un livarot. Les oiseaux de malheur sont alors dissuadés de nicher sur votre tête. C'est exhilarant comme de la vodka polonaise, bienfaisant comme la gibelotte d'une tante de province. Au repas dominical n'apportez plus un gâteau crémeux, mais un recueil de chroniques du grand Alexandre, c'est moins sucré, plus roboratif et un plaisir tellement plus durable. Nul doute que des savants, qui en ont dans la besace, sont en train de calculer combien d'années de vie supplémentaire Vialatte procure au lecteur moyen.
J'aime la façon dont l'excellent Alexandre pare les «grands» hommes d'inépuisables vertus tout en les habillant pour l'hiver. Je reconnais son sérieux par son usage intensif du dictionnaire, par exemple quand il affirme que la mer est étonnante car tous les poissons ont les yeux écarquillés. Il glorifie la munificence du monde, le mondain comme le Grand Chosier et l'immense bestiaire qui l'anime. Mais à trop passer la brosse à reluire on use le cuir. Il glisse avec aisance sur la pente savonnée de l'ironie, de là à la gausserie acidulée, quand il loue ensemble le Gange et la Dore qui coule sous le vieux pont d'Olliergues dans le Puy-de-Dôme, quand il encense les dieux olympiens et l'homme au chapeau mou qui attend l'autobus 27 au coin de la rue de la Glacière.
Cet art du dérapage du général au particulier, du trivial au sublime et vice versa, cueille le lecteur à l'estomac, le relève d'un direct dans le noyau suprachiasmatique et le laisse en plein vertige métalogique, terrassé par l'incongruité et secoué de rire par la cocasserie la plus inattendue. Un vialattéen distingué a dit qu'il prend le monde par les pieds, mais au niveau des oreilles, et le retourne à l'endroit. En définitive c'est la poésie qui filtre à travers les fentes de l'insolite. (...)

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