Les parents de Bernice Eisenstein, juifs polonais, se sont rencontrés au camp d'Auschwitz et mariés peu après la Libération, avant d'émigrer au Canada. La jeune Bernice y a grandi dans une famille profondément marquée par tout un passé dont on ne parle pas directement mais qui affleure parfois, qu'elle devine et qui peu à peu l'obsède. En 1961, à 11 ans, elle suit avec passion à la radio le procès Eichmann, épluche la presse et lit en bibliothèque tout ce qui se rapporte à ce sujet : elle se découvre "droguée à l'Holocauste". Mais c'est seulement après la mort de son père, bien des années plus tard, qu'elle commence, d'abord à travers des dessins, puis avec des mots, à tenter d'explorer son histoire familiale, cette "mémoire" qui fonde son identité et qui pourtant n'est pas directement la sienne mais celle de ses parents, de ses grands-parents, des relations de la famille. Ainsi, de fragment en fragment, mêlant ses propres souvenirs, ses réflexions, ses lectures, les témoignages des siens recueillis au fil du temps, l'auteur rassemble les morceaux épars d'une histoire particulière et collective dont elle est, avec beaucoup d'autres gens de sa génération, l'héritière. On aboutit ainsi à ce livre inclassable, poignant mais dépourvu de pathos, porté par une écriture qui joue de la distance et d'un humour cinglant, avec des illustrations faussement naïves, extrêmement personnelles et émouvantes, et qui font partie intégrante du texte.
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