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RODRIGO GARCIA

TACKELS BRUNO
13.00 €
Sur commande
Code EAN : 9782846812061
Editeur : SOLITAIRES INT
Date de parution : 16/06/2007
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RODRIGO GARCIAECRIVAINS DE PLATEAU

Le lecteur de ce livre tient entre ses mains le quatrième volume d'une «série» d'ouvrages consacrés à des artistes de la scène. Cette série assume ouvertement que ses composantes partagent un vocable commun, sans pour autant affirmer une posture esthétique englobante. Avec l'écriture de plateau, elle propose, par hypothèse, une notion qui se décline en chacun de ses membres, et permet d'en éclairer la démarche. Chez des artistes aussi différents que Romeo Castellucci, François Tanguy, Anatoli Vassiliev, ou aujourd'hui Rodrigo Garcia, il y a bien comme un fil traversant, une manière d'être et de pratiquer l'art théâtral qui leur est commune, et qui autorise que l'on dise, d'eux, aussi différents, voire antagonistes qu'ils puissent être, que dans leur travail et leur démarche, ils se comportent en «écrivains de plateau».

Ecrivains de plateau. La formule a suscité quelques malentendus, et je voudrais, par cette introduction, tenter d'en lever quelques-uns. Une manière de préciser ce que recouvre précisément cette notion. Dire de certains artistes qu'ils apparaissent comme «écrivains de plateau» ne revient à produire aucune école, aucune chapelle, encore moins un courant esthétique. Les écrivains de plateau n'ont rien à voir avec un regroupement volontaire, comme «le Nouveau Roman» en littérature, ou la revue Tel Quel dans la critique littéraire. Aucune doctrine ni dogme identifiant, aucun point commun sur le plan des contenus esthétiques. Juste une manière d'être (et pas simplement de produire) au plateau - manière qui consiste en un rapport étroit entre le poème et l'acteur, entre l'écriture et la scène.

Notre tradition française, particulièrement «texto-centrée», avait en effet largement occulté la manière très singulière dont le texte travaille au théâtre. On a longtemps considéré que le texte précède la scène, et qu'il n'y arrive qu'en un second temps. Or l'écriture de plateau nous rappelle que les choses à l'origine se passent de manière exactement inverse: le texte théâtral ne se féconde que dans l'étroite proximité du plateau, et de ceux qui le peuplent. La scène est première et engendre une matière protéiforme, qui devient notamment le texte de théâtre, dont on peut recueillir les traces et envisager ensuite qu'il devienne un livre - une pièce cristallisée dans un livre. Mais il ne faut jamais oublier que dans l'histoire du théâtre la scène prime le livre, et non l'inverse. C'est ce qui explique que parmi les artistes écrivains de plateau, certains apparaissent d'emblée comme des auteurs (Rodrigo Garcia), et d'autres davantage comme des plasticiens de la scène (Castellucci, Tanguy). Mais sont tout autant écrivains de plateau des artistes comme Vassiliev (ou Matthias Langhoff) qui montent les textes d'autres écrivains!

Maintenant que la série commence à s'étoffer, il devient de plus en plus clair que les écrivains de plateau ne se regroupent absolument pas autour de l'une ou l'autre discipline artistique. Il ne s'agit pas de faire passer le théâtre dans la danse, ou de gommer les différences de disciplines dans la formule rassurante du «spectacle». L'enjeu est plutôt d'affirmer et d'assumer la coexistence des formes et des pratiques, dont on peut dire qu'en s'enrichissant mutuellement, elles passent et se déploient dans l'espace du théâtre. Oui, c'est bien le théâtre qui accueille l'altérité, et en sort grandi, régénéré. Fort d'une intuition puissante de ce que peut dire cet espace théâtral matriciel, le travail de ces artistes émane très concrètement du plateau, et de son contexte collectif - et non de la solitude d'un bureau. Il est vrai que le XXe siècle n'a pas donné beaucoup d'importance à cette posture d'écriture de plateau. C'est le moins que l'on puisse dire. Au point que l'écrivain de théâtre (rabattu sous le terme pour le moins restrictif d'«auteur dramatique») semble devoir se constituer dans la solitude de sa table de travail. Certains vont plus loin encore, allant jusqu'à penser que le théâtre peut exister et se lire dans le seul espace du fauteuil!

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