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AUTISME, SORTIR DE L'IMPASSE

SANS PIERRE
22.00 €
Sur commande
Code EAN : 9782804185480
Editeur : DE BOECK SUP
Date de parution : 26/03/2014
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AUTISME, SORTIR DE L'IMPASSE

Extrait

Extrait du préambule

Ce n'est pas le pervers, ni même l'autiste, qui échappent à la psychanalyse, c'est toute la psychanalyse qui est une gigantesque perversion, une drogue, une coupure radicale avec la réalité...
Gilles Deleuze & Félix Guattari, L'anti-Œdipe, Éditions de Minuit, 1972

Pourquoi ajouter cet ouvrage à la longue liste des témoignages, études et prises de position concernant l'autisme ? Parce que de nombreuses interrogations persistent, en particulier quant aux causes et aux modalités de prise en charge de cette affection et de ce handicap. Deux mots de mon parcours professionnel éclaireront les développements à venir.

1. Des débuts ordinaires

C'est en 1970, dès ma seconde année d'internat à l'hôpital Saint-Jacques de Nantes, que j'ai rencontré de front le monde de la folie. J'ai alors reçu de plein fouet l'intolérable violence que l'on exerçait à l'époque à Rencontre des autistes. Ce sont des choses que l'on n'oublie pas. Elles ont irrémédiablement conditionné tout mon parcours. Quand on arrivait en psychiatrie dans ces années-là, on ne voyait au premier abord aucun autiste. Puis, après quelques jours, un surveillant vous disait que «là-bas», au fond du couloir, il y avait de grands «encéphalopathes» pour lesquels il n'y avait rien à faire. «Là-bas» était un pavillon parmi d'autres, mais où, en principe, les médecins ne passaient pratiquement pas. Les seuls patients vus régulièrement se trouvaient dans les pavillons d'entrée, les pavillons nobles. Un peu obsessionnel sans doute, j'avais pris l'habitude de passer systématiquement partout dans le vaste service que je venais de choisir. J'étais le seul médecin auprès du chef de service, pour environ 120 malades. Ce patron visitait d'ailleurs très peu ses patients, à l'exception de quelques «jolis cas», sélectionnés dans le pavillon d'entrée, choisis le plus souvent pour leur appartenance à la bonne société locale, enfants de notables, professions libérales ou membres des milieux d'affaires et des commerçants aisés...

C'est dans ce contexte que je commençais à me rendre régulièrement dans l'unité où croupissaient une petite dizaine de personnes, jeunes adultes pour la plupart. La mortalité y était impressionnante, surtout du fait des conditions de vie déplorables qui emportaient les patients lors des épidémies de grippe ou de gastro-entérite. La plupart ne faisaient que survivre dans des chambres au sol carrelé, hurlant ou gémissant, couchés le plus souvent en position foetale sur de simples matelas sans draps, parfois entravés pour éviter qu'ils ne se blessent ou ne s'automutilent. L'un d'eux s'était déjà énucléé, un autre se mordait et s'arrachait des lambeaux de chair. Ils déféquaient et urinaient sous eux. L'odeur était pestilentielle. Les plus anciens des infirmiers de l'époque n'avaient qu'une formation des plus modestes. Traditionnellement et pour ne rien arranger, on mutait d'office dans ce pavillon les moins compétents ou les fortes têtes, considérant sans doute que le travail y tenait plus du rôle de garde-chiourme que de celui du soignant. Il se murmurait que les actions de pure maltraitance y étaient monnaie courante.

Il faut préciser qu'à l'époque, on faisait sa médecine sans un seul cours de psychiatrie. Un interne débarquant dans un service était absolument ignare, même concernant un simple état dépressif ! Je commençai donc à lire la littérature classique, les manuels de psychiatrie d'Henry Ey et d'Ajuriaguerra, les textes de Lebovici et Diatkine, de Soulé, de Misés et d'autres, ainsi que les publications de Mélanie Klein, d'Anna Freud et consorts. Et bien sûr, en bonne place, les Écrits de Lacan. Deux ans après ces débuts, j'entamais une analyse puis un cursus classique, dans le cadre de l'école de Lacan, avec les voyages rituels à Paris, pour assister au séminaire du Maître puis pour mes contrôles. À la fin de mon internat, je fus logiquement nommé chef de clinique. La suite semblait tracée jusqu'à l'agrégation.

Mon choix fut tout autre. Je me rendais compte qu'il n'y avait pas de réelle recherche psychiatrique en France, à part celle concernant la pure théorie lacanienne qui, déjà à cette époque, me semblait assez vaine. Répéter les mêmes sornettes pontifiantes dans des congrès durant toute une carrière, comme je voyais le faire mon patron (excellent homme au demeurant), et perdre mon temps dans des commissions me paraissait d'un ennui mortel, alors même qu'une véritable révolution prenait place sous mes yeux.

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