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PROMESSE DE PLUIE

MILNER DONNA
24.00 €
Sur commande
Code EAN : 9782709629928
Editeur : LATTES
Date de parution : 06/02/2013
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PROMESSE DE PLUIEMa mère mourut le même jour que Marilyn Monroe, le 4 août 1962, et comme la star de cinéma, on ne découvrit son corps que le lendemain. Quand elle était vivante, maman avait une sacrée présence. Comme on pouvait s'y attendre, elle connut une mort tragique. Une mort qui devait contraindre mon père à revenir dans le sein de la famille. Même si, durant les onze premières années de ma vie, il était rentré tous les soirs dans notre maison construite pendant la guerre dans les quartiers sud de Vancouver, une grande partie de lui-même se trouvait ailleurs. J'étais habituée à son absence; je n'étais pas habituée à celle de ma mère.
Avec le temps, j'en vins à croire que c'était cette absence même qui m'avait brutalement réveillée alors qu'il faisait encore nuit, ce matin-là. C'était plus probablement une rafale de vent qui secouait la fenêtre de ma chambre ou la pluie qui tambourinait sur la vitre. Je n'en suis pas certaine. Je sais seulement qu'en ouvrant les yeux, je me sentis poussée à quitter mon lit pour me glisser sur le palier étroit entre les deux chambres. Debout dans l'ombre, le coeur battant, j'écoutai le silence de la maison avant de descendre l'escalier, m'arrêtant dans l'angle, l'oreille tendue.
En bas, je me dirigeai vers la porte ouverte à l'extrémité du vestibule pour jeter un oeil dans la chambre de mes parents. L'odeur familière du parfum de ma mère, Soir de Paris, me submergea tandis que j'examinais la pièce, mes yeux s'accoutumant à la pénombre. Une silhouette sombre dans un coin me fit sursauter. Mais ce n'était qu'une robe pendue à la porte du placard. La pièce, comme le lit froissé, était vide.
Enjambant les vêtements éparpillés par terre, j'allai caresser le tissu soyeux de la robe de maman. Même quand elle n'était pas dedans, cette robe vert clair lui ressemblait. C'était sa préférée, celle qu'elle appelait «l'arme absolue», «sa tenue du dimanche», et la seule qu'elle accrochait sur un cintre rembourré.
Le jour où le camion d'Eaton l'avait livrée, elle m'avait appelée dans sa chambre pour l'essayer devant moi. Penchée vers le miroir de la coiffeuse, elle avait mis du rouge à lèvres, poudré la petite bosse de son nez puis, la tête inclinée, jugé de l'effet produit. Satisfaite du résultat, elle avait repoussé les livres, les bas filés et les cendriers à moitié pleins avant de reculer de quelques pas pour prendre la pose.
- Qu'en dis-tu, Ethie?
Je la trouvais parfaite, quoi qu'elle eût sur le dos. Mais quelque chose dans cette robe accentuait le pétillement vert de ses yeux noisette, le brillant de ses épaisses boucles rousses et rendait le semis de ses taches de rousseur, que la poudre ne pouvait masquer, encore plus exotique.
- Tu es belle, répondis-je, on dirait une star de cinéma. Son reflet me rendit mon sourire. Elle se retourna pour me prendre dans ses bras, m'enveloppant de son parfum et de sa nouvelle robe verte, m'enveloppant de tout elle.
- Oh Ethie, soupira-t-elle, quel bonheur de s'entendre dire qu'on est belle! Surtout par ma fille préférée.
Elle me lâcha et tourna sur elle-même pour examiner le dos de la robe qui soulignait ses fesses rondes.

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